Qu’il soit regroupé au sein d’institutions bien précises ou non, l’enseignement supérieur existe depuis l’invention même de l’écriture en -3000 avant notre ère. Ainsi, l’institution universitaire peut être qualifiée de façon large si l’on accepte de lui donner le sens suivant : « communauté (plus ou moins) autonome de maîtres et d’étudiants réunis pour assurer à un niveau supérieur l’enseignement d’un certain nombre de disciplines ».
Une longue tradition
La longue tradition pédagogique venue de l’Antiquité est revivifiée à partir des dernières années du XIe siècle, singulièrement en France et en Italie. Issus des hauts dignitaires de l’Église, qui se donnent pour mission la conservation et la diffusion des connaissances, les écoles se développent au cours du Moyen Âge et enseignent les arts libéraux (grammaire, dialectique, rhétorique, arithmétique, musique, géométrie, astronomie) ainsi que l’Écriture sainte.
Ce renouveau scolaire s’explique en partie par les besoins des pouvoirs laïcs et des classes dirigeantes, soucieuses de faire appel à des lettrés compétents et maîtrisant les techniques de l’écrit, pour gérer leurs affaires privées et publiques.
L’époque a pour réflexe de considérer les textes anciens comme autant d’« autorités » vénérables, héritées de l’Antiquité, dont l’exégèse approfondie (c’est-à-dire l’interprétation critique) peut mener au progrès. Or, le XIIe siècle s’enrichit d’œuvres considérables. D’une part avec la redécouverte du Corpus juris civilis, la codification du droit de l’empereur Justinien datant du VIe siècle, et d’autre part avec les nouvelles compilations du droit canonique de Gratien vers 1140. La traduction des œuvres philosophiques d’Aristote achève de compléter ce panorama d’un renouveau savant.
L’ensemble de ces éléments alimente un terreau fertile pour l’institutionnalisation d’un enseignement supérieur, sanctionnée le 15 janvier 1200 par la charte royale de Philippe Auguste : l’université de Paris vient de naître.
Naissance de l’université de Paris
L’enseignement développé en France au XIIe siècle mène à l’obtention de trois grades distinctifs : le baccalauréat, la licence ainsi que le doctorat. Leur succès rend nécessaire la mise en place d’une organisation structurée. C’est l’enjeu de la charte octroyée par Philippe Auguste. Celle-ci vient améliorer les conditions de vie des universitaires et redéfinies selon deux grands principes. Le premier correspond au regroupement des maîtres et étudiants en une communauté, universitas, régie par des statuts fixes. Le second garantit l’autonomie universitaire.
Ces libertés sont confirmées quelques années plus tard par la papauté avec la bulle Parensscientiarum. L’université de Paris acquiert alors définitivement la capacité juridique et devient une personnalité morale.
Le choix d’un maître
Un des premiers objectifs du futur étudiant qui entre à l’université est de choisir un maître qui acceptera de l’agréer. Deux semaines gratuites lui sont offertes afin qu’il puisse découvrir les différents enseignements. Cet attachement revêt une grande importance. Un texte de 1215 affirme que ne peut être étudiant celui qui n’a pas de maître assuré.
Parfois, l’étudiant se présentait avec une lettre d’introduction écrite par quelque personnalité pour le recommander à un professeur prestigieux. Ainsi, le jeune homme avait pu obtenir des éléments sur l’individu qui allait le mener pendant plusieurs années sur les voies ardues de la science. En face, l’enseignant pouvait juger de la personnalité de l’adolescent qui réclamait son encadrement.
L’initiation à la vie étudiante
Des manuels écrits en latin à l’intention des jeunes, imprégnés d’un fort esprit religieux, décrivent les devoirs de l’étudiant : se lever de grand matin, faire la prière, se peigner, se laver.
D’autres recommandent de payer rapidement ce qui est dû au maître ou prescrivent des règles relatives aux jeux afin que l’ennui ne pèse pas trop lourdement sur les étudiants. Ainsi, il est interdit de patiner ou de jeter des boules de neige. En revanche, il est autorisé d’aller jouer dans les cimetières, aux dés, en se gardant toutefois de pousser des cris ou de jeter des pierres sur les édifices.
Un autre manuel va jusqu’à décrire les angoisses que l’étudiant peut ressentir lors de sa présentation à un examen, surtout s’il prend conscience de l’irrégularité de sa présence aux leçons des maîtres, s’il s’est attiré l’inimitié de l’un d’entre eux ou bien encore s’il croit que ses maitres ne l’estiment pas en état de présenter l’examen.
Autant d’angoisses qui, huit siècles plus tard, peuvent résonner familièrement aux oreilles de certains et certaines d’entre-nous. Gardons à l’esprit que l’Université est l’une des rares institutions qui, venant du Moyen Âge, sont arrivées jusqu’à nous sans changement notable dans l’organisation ou l’esprit qui l’anime. Le vocabulaire l’atteste, « faculté », « docteur », « bachelier », « licencié », « professeur », « doyen », « recteur », « thèse » ou encore « dissertation » sont des termes qui rythment aujourd’hui encore le quotidien des milliers de membres du corps universitaire. L’Université reste cette alma mater, cette « mère nourricière », dont l’ambition affichée est de nourrir les individus, de leur permettre de se transcender par l’apprivoisement de connaissances qui relient l’humanité depuis des millénaires.
Par Benjamin Galeran, Doctorant en Histoire du droit et Trésorier de l’association