Quel est votre parcours professionnel ?
JMD : Parcours très classique à la faculté de droit de Poitiers en même temps que Madame le Professeur Catherine Marie, de la licence à la maîtrise (on appelait ça comme ça à l’époque), puis l’institut d’études judiciaires, le DESS de droit privé préparé à Tours pendant mon service militaire, enfin le CAPA qui, au contact du professeur d’expression orale, Monsieur le Président Roger, lequel lorsqu’il était juge d’instruction avait eu en charge le dossier de Marie Besnard, m’a donné envie de devenir avocat.
Quels sont les points forts et ceux plus délicats de la profession d’avocat ?
JMD : La profession depuis mes débuts a incroyablement évolué.
Songez qu’au cabinet où j’ai commencé comme stagiaire (aujourd’hui le terme, considéré comme condescendant, a disparu…) la secrétaire tapait le courrier sur une vieille machine Remington avec un carbone et un papier pelure pour le double au dossier. J’ai connu les premières machines à traitement de texte à boules puis l’arrivée des ordinateurs, internet, le numérique, les portables… Un jeune avocat qui débutait devait justifier d’une bibliothèque au cabinet, des codes principaux et à jour avec contrôle du Bâtonnier… Aujourd’hui, rien de tout ça. Certains cabinets ont déjà adopté le « sans papier ». Tout document qui arrive
est scanné et conservé. Par ailleurs, de nouveaux champs de compétence sont apparus (droit de l’environnement, droit européen, du numérique…). Certaines matières se sont complexifiées au point d’avoir à se spécialiser, un avocat peut devenir agent sportif, médiateur, on tend à élargir la formation et la rendre commune aux avocats et magistrats pour, à terme, passer de l’une à l’autre comme dans les pays anglo-saxons… La présidente de l’ENM est une femme, le président de l’école des barreaux est un magistrat !
Pas de point délicat : l’avocat aujourd’hui doit s’adapter constamment, innover, anticiper.
Quel fut l’évènement le plus marquant de votre carrière ?
JMD : Beaucoup d’évènements marquent une carrière et pas toujours les plus spectaculaires. S’il fallait en retenir deux, je citerais un dossier concernant l’arraisonnement très musclé d’un navire espagnol qui pêchait dans le golfe de Gascogne par la Marine Nationale, qui a donné lieu à des échanges très tendus avec un jeune juge d’instruction et une procédure à suivre homérique… Et une autre affaire criminelle devant la Cour d’assises spéciale de Paris relative à l’assassinat de plusieurs militaires par des terroristes basques (trois semaines d’un procès sous haute tension, émaillé de nombreux incidents), puis tellement d’autres…
Vous présidez deux associations, l’une locale « Justice et Cinéma », l’autre nationale « France Justice ». Pourriez-vous les présenter ?
JMD : Justice et cinéma. J’ai créé cette association il y a 11 ans avec deux autres avocats avec le souci de faire apparaître la justice sous un jour plus accessible et plus transparent par l’image et la présence de grands témoins, pour animer un débat à l’issue du dernier film présenté. Chaque année sur un thème différent, toujours d’actualité sur de grandes questions qui passionnent, nous présentons des films qui appellent des questions et les réponses de nos invités. Très vite, nous avons dédié une séance pour les lycéens de la ville qui préparent le sujet avec leur professeur et qui en discutent entre eux après la projection. Le soutien du Ministère de la Justice et de l’Éducation nationale nous a été précieux et a crédibilisé notre manifestation qui est reconnue comme l’une des plus importantes par sa durée et sa constance.
France Justice. Créée à l’origine pour la défense de la mémoire de Guillaume Seznec et présidée par Marcel Jullian, président fondateur d’Antenne 2, puis par Denis Seznec lui-même, petit-fils emblématique de la défense de son grand père pendant 40 ans, puis par moi-même après la démission de Denis Seznec suite à l’échec de la demande de révision. L’association a évolué vers la défense de toutes les victimes d’erreurs ou de dysfonctionnements judiciaires (les acquittés d’Outreau, Patrick Dils, Roland Agret, etc…).
Parallèlement à votre activité d’avocat, vous êtes auteur de bandes dessinées dont la dernière, « L’affaire Dreyfus », est publiée aux éditions de L’Homme en Noir. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette passion ?
JMD : La passion du dessin depuis toujours, le besoin de raconter et ma qualité d’avocat m’ont presque naturellement amené à la bande dessinée toujours avec l’idée d’expliquer, de rendre accessible la justice dans tous ses aspects à l’occasion d’affaires parfois complexes. Ainsi pour l’affaire Seznec, ainsi pour le dossier Dreyfus. Le dessin étant un formidable vecteur pour faire passer des messages, c’est l’occasion de se pencher sur certains dossiers hyper médiatisés, souvent déformés pour satisfaire au coté sensationnel, et de rétablir quelques vérités sur la base de recherches approfondies dans les archives ou la presse de l’époque, ce que j’ai fait pendant de nombreux mois pour l’affaire Dreyfus. La satisfaction est grande de savoir que certains albums sur le bagne, Seznec et bientôt Dreyfus servent de base à l’apprentissage de la justice chez les plus jeunes d’entre nous dans les collèges.
Comment mettre en avant la vitalité du secteur juridique local ?
JMD : C’est l’un des buts voire le but essentiel de la Société Rochelaise du Droit que d’y parvenir ce qui m’a beaucoup intéressé dans sa démarche, notamment celle de mêler aux étudiants des professionnels du droit, en activité ou non, qui par une expérience de terrain peuvent apporter un regard différent et complémentaire sur ce qui est enseigné. A cet égard, les initiatives des fondateurs sont diverses, nombreuses, intéressantes et participent toutes de cette idée de promouvoir la vitalité du secteur juridique local.
Colloques, conférences, clinique juridique, création d’un réseau des anciens, apéritifs entre les membres et occasion d’échanges entre eux… Autant d’idées à développer et d’autres à mettre en place pour constamment enrichir la réflexion.
Merci à Jean-Marie Digout pour cette interview et ce retour d’expérience.
Propos recueillis par Corentin Roy, Service Civique de l’association.